mardi 27 mars 2012

Un maître de l'Art Nouveau : Georges de Feure

Il est né Georges Joseph von Sluyters de parents belge et hollandais en 1868 à Paris. La famille émigre pendant la Guerre de 70. De retour à Paris en 1889, il fait partie de la bohème montmartroise. On n'a pas d'information sur sa formation, mais son art semble influencé par Toorop dans la forme très étirée des femmes qu'il représente. Très rapidement, c'est la femme qui deviendra le principal sujet de ses œuvres, non pas une femme précise, mais un idéal, à la fois attirant et inquiétant. C'est un ami de Debussy, Satie et Ravel et un grand lecteur des écrivains symbolistes. 


Georges de Feure au cabaret l'Ane Rouge en 1890.


Entre 1890 et 1900, on peut le considérer comme un des peintres majeurs à la fois du Symbolisme et l'Art Nouveau. Puvis de Chavannes, lui reconnaît d'ailleurs une place éminente dans l'art.
Durant cette décennie, il est à la foi peintre, mais aussi affichiste et illustrateur. On lui doit, en effet en 1899, sans doute les plus belles illustrations symbolistes françaises dans un style qui n'est pas sans rappeler Beardsley pour un recueil de Marcel Schwob (1867-1905), La Porte des Rêves. Même s'il n'est plus guère lu aujourd'hui — et c'est grand dommage — Schwob fut un des plus magnifiques écrivains symbolistes. En ce qui me concerne, j'ai une préférence pour Le Roi au Masque d'Or (1892). Un des admirateurs fervents de Schwob était l'immense écrivain argentin Jorge Luis Borges.


Photographie de Marcel Schwob.



Georges de Feure. Illustrations pour 
La Porte des Rêves de Marcel Schwob. 1899.












Ses affiches reflètent le même goût du trait que ses illustrations. Elles ont beaucoup de points communs avec celles que produisaient Privat-Livemont en Belgique à la même époque. Georges de Feure fait incontestablement le lien entre l'Art Nouveau français et l'Art Nouveau des Pays-Bas au sens large.



Un certain nombre d'œuvres de Georges de Feure reflètent une volonté de transmettre certaines valeurs morales ou certains dangers qui guettent la femme. On le voit très clairement dans La Voix du Mal (ou la voie du mal), où la femme au premier plan est tentée par les amours saphiques des deux nues au second plan. Un autre tableau, Le Suiveur, met au premier plan une femme affolée et au second plan un homme qui cache son visage. Si à l'époque, on disait qu'une femme qui lit est une femme perdue, De Feure nous affirme lui, qu'une femme qui sort seule, est tout aussi perdue.

Le Suiveur. Gouache, 1890.


La Voix du Mal. Pastel, 1895.


Il affectionne aussi les femmes à la carnation très pâle et vêtues de couleurs sombres (bleu nuit, violet) voire de noir. Ces créatures prennent alors un aspect mortifère de femmes fatales. On est tout à fait dans l'ambiance du Pelléas et Mélisande (1893) de Maurice Maeterlinck.

La Princesse Ysldin. Gouache, 1890.


Le Chapeau noir. Gouache, 1900.


La femme à l'oiseau. Lithographie, 1901.


Les femmes de Georges de Feure sont bien de leur époque. Il n'utilise guère des décors et des costumes ramenant à des périodes révolues. Tel est le cas de ces trois Fumeuses, mais aussi de la femme qui vaque dans son Intérieur Moderne.

  Trois Fumeuses. Gouache, vers 1900.




Intérieur Moderne. Lithographie, 1901.


La Botaniste. Pastel, 1896.


A partir de 1900, la carrière de l'artiste va prendre une autre direction. Samuel Bing (1838-1905), fondateur de la Maison de l'Art Nouveau, lui propose de dessiner la façade du Pavillon de l'Art Nouveau à l'Exposition Universelle de 1900 et quelques meubles. C'est le début d'une collaboration fructueuse qui verra de Feure dessiner des meubles, des vases, des bibelots et des bijoux.

Photographies du Pavillon de l'Art Nouveau à 
l'Exposition Universelle de Paris. 1900.




Double sofa dessinée par Georges de Feure et exposé au 
Pavillon de l'Art Nouveau.


Les réalisations de Georges de Feure attirent l'attention des critiques. On peut voir ici, un article publié dans une revue hollandaise en 1900 et consacré à l'artiste.


Vitrine. 1900.


Vitrine en citronnier exécutée par Krieger. Vers 1900.


Femme au manchon. Porcelaine de Limoge, 1903.


La Promenade. Porcelaine de Limoge, 1903.


Vases en porcelaine de Limoge pour la maison Bing, 
vers 1900-1905.







Une grande rétrospective de son œuvre est organisée en 1903. Il s'oriente ensuite vers l'Art Déco et la décoration théâtrale. Il crée aussi une fabrique d'aéroplanes en bois qu'il pilote lui-même. 
Petit à petit son nom disparait et il meurt à peu près oublié en 1943 à Paris.
Georges de Feure reste une des personnalités les plus caractéristiques de l'Art Nouveau par la synthèse qu'il a opéré de différents courants.

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